L’agriculture régénérative selon John Kempf

1. Introduction

Cet article est le premier d’une série visant à présenter les réflexions et pratique de l’agriculteur-chercheur John Kempf, qui a contribué à populariser la proposition philosophique et technique d’ « agriculture régénérative ».
Cette série maille et articule des extraits d’ouvrages, d’articles et de compte rendu de conférence de John Kempf.

Courte biographie de John Kempf

John Kempf a grandi dans une ferme de l’Ohio, qui pratiquait la culture intensive de légumes et fruits. À 14 ans, il quitte l’école pour travailler dans la ferme familiale qui pratique une agriculture conventionnelle, où il devient rapidement le responsable des pulvérisations, de l’irrigation et des fertilisations.

John Kempf rapporte qu’en 2002, 2003 et 2004, les pluies importantes ne permettent pas de contrôler efficacement les maladies et la ferme accuse des pertes de 70%.

En 2004, la ferme annexe une ancienne prairie et y implante une culture de melons, juste à côté d’une parcelle conduite de manière intensive depuis 10 ans. Le développement du melon sur ces deux parcelles voisines ayant un passé agricole différent retient l’attention de John Kempf. Sur la parcelle ayant connu une culture intensive avec application de pesticides le melon est infesté de mildiou, alors que les melons cultivés sur l’ancienne prairie pâturée ne présentent aucun signe de mildiou.

Interpellé par cette observation, John Kempf entame alors des recherches pour comprendre pourquoi la même variété cultivée au même moment et de la même façon, peut se comporter si différemment face aux maladies.

Il lit et rencontre des chercheurs spécialisés en physiologie végétale et arrive à la conclusion que l’immunité des plantes est influencée par la nutrition qu’elles reçoivent.

À partir de l’application du principe selon lequel les plantes cultivées recevant une nourriture équilibrée correspondant à leurs besoins peuvent être totalement résistante aux maladies, John Kempf prend la décision de réduire de 70% l’usage de pesticides sur la ferme en 2005 et cesse totalement d’utiliser des pesticides dès l’année suivante.

Cette même année 2006, il fonde une société de consultance « Advancing Eco Agriculture », pour aider ses collègues agriculteurs en leur fournissant les cours, les outils et les stratégies nutritionnelles pour les plantes. Il propose régulièrement des podcasts et des articles gratuitement sur l’agriculture régénérative, où il interviewe les meilleurs scientifiques et agriculteurs sur la science et les principes de mise en œuvre de l’agriculture régénérative à grande échelle.

Site de podcasts animé par John Kempf

Dix ans plus tard, il conseille plus de 4000 fermes aux USA et en Amérique du Sud. Les cultures principales concernées sont des fruits et légumes, mais aussi le maïs, le soja, les céréales, la luzerne.

John Kempf affirme que dix années de recherche et d’expérimentation ont confirmé le lien entre nutrition et immunité et montré les faits d’expérience suivant :

- Des plantes en bonne santé sont résistantes aux maladies et aux insectes

- Ces plantes à forte immunité sont de meilleure qualité nutritionnelle et leur consommation renforce également le système immunitaire et la santé des humains.

- La plante joue un rôle essentiel dans la construction de son sol et une plante en bonne santé génère un sol en bonne santé.

- Cultiver des plantes saines est le moyen le plus rapide de construire un sol sain.

- Pour comprendre le fonctionnement de l’immunité des plantes, il faut comprendre les besoins des maladies et des insectes.

- Si la nutrition des plantes est bien équilibrée, les plantes ne renferment pas les composés dont se nourrissent les maladies et les insectes et n’émettent pas de signaux qui attirent ces derniers.

- les maladies et les insectes ont essentiellement besoin de trouver des sucres libres et des acides aminés libres dans les plantes pour se développer.

John Kempf rapporte par exemple que le développement de la tavelure du pommier dépend de la présence d’un seul acide aminé, l’Arginine, sous forme libre. Si la plante ne contient pas d’arginine libre, la tavelure ne se développe pas. Lorsqu’on compare deux variétés de pommiers, l’une résistante, l’autre pas, on remarque que la variété résistante n’accumule pas d’Arginine car cet acide aminé est rapidement métabolisé pour construire des protéines complexes.

Il s’avère que les voies de la métabolisation de l’arginine impliquent la disponibilité de cobalt comme cofacteur. Les variétés résistantes sont en fait plus efficaces à puiser le cobalt du sol. Des applications foliaires de cobalt, sur des plantes présentant une déficience de cet élément permettent de faire complètement disparaître les symptômes de la tavelure sur les plantes.

L’exemple de la tavelure et de son traitement qui montre un lien direct entre résistance et nutrition de la plante est, selon John Kempf, un mécanisme général.

Chaque maladie, chaque bioagresseur requiert des conditions particulière, et des nutriments spécifiques pour se développer, si ces conditions ne sont pas réunies la maladie ou le bioagresseur ne peuvent pas se développer, car ils ne trouvent pas dans la plante la nourriture qui leur est nécessaire.

Dans l’introduction de son ouvrage, Quality Agriculture - Conversations about Regenerative Agronomy with Innovative Scientists and Growers, John Kempf écrit :

« L’agronomie classique repose sur une série d’erreurs. Les plantes n’absorbent les nutriments que sous forme d’ions solubles. Les acariens, les nématodes, les insectes, les champignons, les bactéries et les virus attaquent les plantes sans distinction. Les pesticides sont des solutions efficaces à long terme. Toutes ces idées reçues sont fausses.

Le courant dominant de l’agronomie et de la nutrition des plantes repose sur l’idée désormais réfutée que l’équilibre chimique du sol est le seul paramètre qui vaille la peine d’être mesuré et géré.

Cela a conduit les agriculteurs à acheter des engrais dont leurs cultures n’ont pas besoin, fournissant ainsi une nutrition excessive et déséquilibrée. Il en résulte une sensibilité accrue aux parasites et un besoin accru d’applications de pesticides pour empêcher les maladies et les insectes de consommer les cultures désormais malsaines.

En raison de cette approche chimique de la production agricole, qui ne tient guère compte de la biologie du sol, les agriculteurs sont amenés à acheter des intrants dont ils n’ont pas besoin avec de l’argent qu’ils n’ont souvent pas, parce que leurs conseillers affirment qu’ils en ont besoin pour rester compétitifs.

Cette approche, qui considère les rendements comme seule mesure significative de la réussite, sans se soucier de la qualité des récoltes, aboutit à la production d’une alimentation humaine et animale dont l’intégrité nutritionnelle est douteuse.

Cet état d’esprit, a conduit à considérablement réduire la fertilité naturelle de nos sols. Les mauvaises herbes sont devenues plus difficiles à contrôler ; la pression des ravageurs a augmenté et davantage d’applications de pesticides sont nécessaires pour les contrôler, et la qualité nutritionnelle de nombreux aliments a chuté.

De nombreux agriculteurs ayant quelques dizaines d’années d’expérience savent que tout cela est vrai parce qu’ils l’ont observé dans leur propre exploitation. Ils ont constaté l’évolution de la pression exercée par les ravageurs et la baisse des performances des cultures. Ils sont certains qu’il doit y avoir une autre façon de faire, une meilleure façon de faire, mais ils ne savent pas par où commencer.

De nombreux agriculteurs, n’ont appris et ne connaissent que l’approche conventionnelle à base d’intrants de synthèse. Mais ils savent aussi que le moment est venu de changer. Nous disposons désormais des connaissances et des informations nécessaires pour faire de meilleurs choix. »

Sources utilisées dans la série d’article consacrée à « L’agriculture régénérative selon John Kempf »

- John Kempf, Quality Agriculture - Conversations about Regenerative Agronomy with Innovative Scientists and Growers, 2020, Volume 1.

- Articles et podcasts issus du site https://johnkempf.com
Traduction d’articles de John Kempf, publiés sur le site de Vert de terre production : « Une nutrition azotée efficace » ; « Les nutriments essentiels nécessaires pour augmenter la photosynthèse » ; « Les pulvérisations foliaires comme outil de régénération des sols » ; « La pyramide de santé de la plante » ;

Verbatim et Compte rendu de la conférence : Santé et fertilisation des plantes

- Conférence de John Kempf à la ferme des noyers de Nicolas Braibant Corroy-le-Grand (Belgique) invité et réalisé par GreenFarm et Regenacterre

- Les concepts de base de l’Agriculture Régénérative.

Mis en ligne par La vie re-belle
 31/03/2024
 https://www.lavierebelle.org/l-agriculture-regenerative-selon

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